La question de la rémunération des esquisses, croquis, maquettes ou prototypes dans le cadre des marchés publics concerne directement les scénographes, souvent sollicités pour produire des propositions visuelles ou techniques avant même l’attribution d’un marché.
Trop fréquemment, ce travail préparatoire reste sous-évalué, voire non indemnisé, alors qu’il constitue un investissement créatif, temporel et financier important. La juste rémunération des designers à l’occasion des commandes publiques de design est un sujet auquel le ministère de la culture est particulièrement attaché. Le respect de cette obligation est de l’intérêt même des acheteurs. En effet, la juste indemnisation des efforts fournis, par le biais d’une prime suffisante, garantit la légalité de la procédure.
L’ensemble de ces dispositions s’inscrit dans un cadre plus large, propre à favoriser la création dans le champ des arts visuels. La situation économique des créateurs, a fortiori dans un contexte où leurs difficultés ont été accentuées, est un enjeu majeur de politique publique.
1. Le cadre juridique
Le droit français encadre clairement cette situation.
- Article R.2151-15 du Code de la commande publique : il prévoit une indemnisation obligatoire, sous forme de prime, lorsque les candidats doivent remettre des documents dont l’élaboration représente un investissement significatif (esquisses, maquettes, prototypes, études graphiques, etc.).
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037730511/2019-04-01
- Circulaire du 10 juillet 2015 (Ministère de la Culture) : elle rappelle aux services publics que les designers doivent être justement rémunérés lors des appels d’offres impliquant un travail créatif conséquent.
- Fiche technique du 18 mai 2023 (Ministère de l’Économie et des Finances) : elle précise les bonnes pratiques pour les acheteurs publics en matière de remise de maquettes, échantillons ou prototypes.
2. Ce que cela signifie pour les scénographes
Concrètement, si un marché public vous demande :
- de réaliser des esquisses ou plans détaillés,
- de produire une maquette physique ou numérique,
- d’élaborer un prototype ou une mise en situation,
alors ces éléments doivent être indemnisés à leur juste valeur. La prime doit être suffisante pour refléter l’effort attendu : elle n’est pas symbolique, mais proportionnée au temps et aux moyens mobilisés.
3. Pourquoi cette indemnisation est essentielle
- Pour la légalité des procédures : un marché sans prime adaptée peut être jugé irrégulier.
- Pour l’équité et la diversité des candidatures : sans indemnisation, seuls les plus grands bureaux ou ceux disposant de ressources importantes peuvent répondre, au détriment des indépendants et jeunes praticiens.
- Pour la qualité des propositions : une rémunération claire encourage un investissement sérieux et traduit la reconnaissance de la valeur du travail créatif.
4. Les outils à connaître
- Le Guide de la commande publique en design (Le Centre national des arts plastiques, établissement public sous tutelle de la direction générale de la création artistique, est à l’initiative d’un guide de la commande publique en design, rédigé en lien avec les organisations professionnelles, notamment l’Alliance française des designers, et destiné aux commanditaires afin de faciliter la relation de commande.
- le Centre national des arts plastiques (Cnap) publie en juin 2024 une nouvelle version mise à jour et enrichie du guide La commande de design graphique dans la collection des « Guides de l’art contemporain », précédemment édité en 2014 et largement diffusé depuis.
5. Recommandations pratiques aux scénographes
- Vérifiez toujours que l’appel d’offres mentionne l’indemnisation des esquisses.
- Évaluez le montant de la prime : s’il est manifestement disproportionné par rapport à l’investissement attendu, signalez-le.
- Appuyez-vous sur vos organisations professionnelles pour rappeler aux acheteurs publics leurs obligations.
- N’acceptez pas de fournir des maquettes ou esquisses détaillées sans contrepartie financière prévue.