Depuis le XVIIe siècle, on sait que le feu est l’ennemi des théâtres, tout au long de son histoire, les protocoles de sécurité et les installations pour contrer la propagation du feu se sont multipliés. La convergence de matériaux inflammables et de grandes assemblées a souvent été le théâtre de tragédies . Pour comprendre les réglementations actuelles en matière de prévention des risques d’incendie dans les théâtres, il est essentiel de se pencher sur l’histoire et les innovations qui ont façonné ces mesures de sécurité. En revisitant ces moments clés de l’histoire, nous comprenons mieux comment chaque règlementation actuelle a été forgée dans le feu des expériences passées
En France, s’il n’y avait pas de véritables corps de pompiers, les moines des ordres mendiants et principalement les capucins en tenaient lieu. Un certain nombre d’entre eux veillaient la nuit, et en cas de sinistre donnaient l’alarme. Au moindre signal, ceux qui étaient restés dans les couvents accouraient sur les lieux de l’incendie et procédaient au sauvetage. Il est même certain que des capucins faisaient des rondes ou surveillaient les théâtres les jours de représentation, et pour les pièces où l’on employait des engins pyrotechniques ils restaient sur la scène, derrière les décors. Les moyens que les capucins avaient a leur disposition étaient encore rudimentaires ils se servaient d’éponges humides au bout de bâtons qu’ils plongeaient dans des réservoirs d’eau préparés a cet usage. Plus tard on employa de grosses seringues.
Au théâtre de Molière, le premier décorateur désigné sous ce nom est un nommé Mathieu. Plus tard, on trouve les frères Crosnier, dont le nom est également suivi du qualificatif de décorateurs. « Outre qu’ils étaient décorateurs proprement dits et chargés d’exécuter les décors pour les pièces nouvelles, ils étaient garçons de théâtre, aides-machinistes, surveillants des coulisses, voire moucheurs de chandelles, obligés au moins de fournir des moucheurs. A ce titre, du reste, s’ils étaient tenus d’avoir l’oeil ouvert sur les dangers d’incendie, et de tenir les tonneaux toujours pleins, ils recueillaient en compensation les restes du luminaire.
Un sociétaire de la comédie française, introduit la pompe à incendie 1er pompier de France. Créateur du corps des pompiers de la Ville de Paris
Jan van der Heyden (1637 –1712) est un peintre baroque hollandais, également dessinateur, graphiste, et un inventeur qui a grandement contribué, en son temps, à lutter contre les incendies. Il perfectionna le tuyau à incendie en 1672 avec l’aide de son frère Nicolas, un ingénieur en hydraulique. Il modifie la conception des véhicules chargés de lutter contre le feu, réorganise en 1685 les brigades des volontaires du feu en Hollande et écrit et illustre le premier manuel de lutte contre les incendies (Brandspuiten-boek). Ainsi naquirent les « pompes à bras » dites « pompes hollandaises »
Les tuyaux sont en cuir souple et assemblés tous les 15 m à l’aide de raccords en laiton, permettant de fournir de l’eau à distance ( Placés entre la pompe et la lance, ces tuyaux rendent en effet la lance mobile). La longueur et les raccords ont donné naissance aux normes actuelles.
1699 – La première pompe à incendie construite France
L’invention d’une pompe propre à éteindre le feu se rapporte à l’histoire du théâtre, puisque le mérite de sa découverte revient à un acteur, ancien laquais de Molière. Ce comédien, nommé du Dumourier du Périer obtint en 1699 des lettres patentes qui l’autorisaient a « faire construire et fabriquer une pompe propre à éteindre le feu. il eut l’occasion d’appliquer sa découverte pour la première fois lors d’un incendie qui eut lieu dans les dépendances de la salle des Machines, en 1704. Le résultat fut si merveilleux », que, l’année suivante, du Périer reçut officiellement la mission d’établir, de garder et d’entretenir les pompes du roi. Mais le corps des pompiers ne fut définitivement créé que sous la Régence ». En dehors des capucins, les gardes françaises fournissaient un piquet.
Ref : Registre de la Grange par Ed. Thierry sommes diverses payées aux capucins pour les représentations de Don juan P71; et suiv
Au 30 de la rue Mazarine, à Paris, une plaque subsiste encore, où l’on peut lire : « Ancien Hôtel des Pompes’ Dans cette maison est mort le 21 juin 1723 du MOURIEZ du PERIER D’Aix en Provence. Sociétaire de la Comédie Française de 1686 à 1705. Introducteur en France de la pompe à incendie. Créateur du corps des pompiers de la Ville de Paris. » . du MOURIEZ du PERIER devint pour la postérité : Le premier pompier de France.
1716 – Le premier corps de sapeurs-pompiers est constitué à Paris
Mais les deux accidents de 1763 et de 1781 ont réveillé la municipalité. Architectes et savants se préoccupent de la question du feu. La première salle brûla faute de soins, et par la maladresse d’un balayeur qui.., dans le fonds du dessous, mit sa chandelle sur le contre-poids du rideau de d’avant-scène, sortit, et l’y laissa. Cette lumière mit le feu aux neuf cordages. Le rideau s’enflamma, et l’incendie devint général. Dumont, le fameux architecte, dresse un mémoire pour l’installation des pompes dans les théâtres. Quand on construit l’Odéon, on établit dans les sous-sols une pompe à laquelle on joint 35o pieds de tuyaux de cuir; quatre pompiers sont de service dans le jour (quatre caporaux et cinquante soldats du régiment des gardes, commandes par deux sergents-majors, ils recevaient une gratification de 1o deniers 10 sols par soirée); les réservoirs placés sur les toits et dans les caves doivent être vidés deux fois par an, pour qu’il ne s’y forme aucun dépôt. On peut aussi imprimer toutes les toiles de décorations avec une première colle dans » laquelle on aura délayé du plâtre passé au sas très- fin
LE PREMIER RIDEAU DE FER
Le 18 mars 1799, l’Odéon est la proie des flammes, Deux pompiers y ont péri. hors représentation. Boullet observe : « Il y a par-tout sous la main des’ seaux entretenus pleins d’eau, dans lesquels est une grosse éponge. A quel-qu’endroit que le feu prenne , il serait bientôt éteint. Mais pour parer aux dangers et aux progrè si dévastateurs d’un incendie, voici des moyens additionnels que je crois utiles parce-qu’une longue expérience me les démontré tels: Le feu n’ai pas d’action sur les bois recouverts- d’un pouce
de plâtre. J’ai remarqué après les incendies dés trois- théâtres où je me suis-trouvé, des jambages de pierre réduits en chaux ,et des linteaux conservés intacts: sous le plâtre qui, ayant éprouvé dans sa’ fabrication, le feu le plus ardent, ne brûle plus. » L’Odéon brûlera une seconde fois le 20 mars 1818 À quatre heures et demie
Reconstruit sous les directives de Baraguey, architecte de la Chambre des Pairs, réorganisé, et surtout équipé d’un rideau de fer de 84 tonnes , le théâtre ouvre en septembre 1819 sous le nom de Second Théâtre-Français. A l’Odéon, on inaugura le rideau de fer entre la salle et le théâtre. Boulet, machiniste de l’Opéra, en avait fait le projet et inventé le mécanisme. Le 22 novembre 1892 le rideau de fer de 400kg de la comédie française manoeuvre à l’aide de l’electricité, il se compose d’une armature en fer cornières habillé de tôles rivées . la vitesse de montée est de 0,75m à 1m10 par seconde et à la descente de 0,75m à 1m50 par seconde (Moynet la machinerie théâtrale)
Lorsque Pierre Boullet (1740-1804), fait paraître son Essai sur l’art de construire les théâtres en 1801, il travaille au théâtre des Arts, nouvelle salle de l’Opéra depuis 1794. Il est alors connu pour avoir été machiniste du roi et de l’Opéra au sein des Menus-Plaisirs et pour avoir contribué à la création de deux théâtres : celui de la Montansier, à Versailles, en 1776 avec l’architecte du roi Jean-François Heurtier, et la scène du théâtre de la Reine à Trianon en 1779.
« Ce rideau devait être exécuté au théâtre de l Odéon , lors de sa construction. J’en ai donné le mécanisme et le projet. On a dû trouver l’un et l’autre dans le porte-feuille de feu Dewailly, qui gouvernait les travaux de ce théâtre »
Ref : Boullet essaie sur l’art de construire des théâtres paris 1801
Jusqu’en 1781, également, les théâtres ne possédaient aucun matériel contre l’incendie pompes, tuyaux, seaux.
Ref Histoire journalière de paris par Dubois de Saint Gelais
Paris 1885 –P71
Rendre incombustible les décors avant l’invention de ignifuge
Un peu plus tard, on chercha a rendre incombustibles les machines et les décors on recouvrit de plâtre tous les bois de la scène qui pouvaient en être enduits sans nuire aux manoeuvres. Les décorateurs avaient constaté que les toiles de décors peintes d’un seul côté sont un aliment des plus terribles pour la propagation du feu; au contraire, quand elles sont peintes des deux côtés elles brûlent sans flamme et très lentement, et lorsqu’elles sont recouvertes avec des matières terreuses le feu ne peut y prendre; ils proposèrent donc d’enduire toutes lès toiles de décoration d’une couche de colle dans laquelle on aurait auparavant délayé du plâtre très fin.
L’incendie de la salle Favart
le 25 mai 1887 un terrible incendie ravagea la salle Favart à Paris. On déplorera, parmi le public et le personnel de la maison (quatre danseurs, deux choristes, quatre habilleuses et quatre ouvreuses) deux cents morts, dont quatre-vingt-quatre identifiés. La soirée avait commencé par Le Chalet d’Adolphe Adam. Venait ensuite Mignon, et c’est à la fin du premier acte de l’opéra d’Ambroise Thomas, à 9 h 05 précisément, alors que Melle Virginie Simonnet, jeune recrue de la maison, était en scène, que les spectateurs aperçurent quelques flammèches qui s’écrasaient sur le plateau ; hélas !, personne ne songea à descendre le rideau de fer et les flammes gagnèrent en quelques minutes le plafond. Quant au chef gazier, craignant que le feu attaque le jeu d’orgue qui distribuait le gaz dans les différentes parties du théâtre, il crut bon d’éteindre toutes les lumières et de plonger les pauvres spectateurs dans l’obscurité ; dès lors, comme le note le journaliste du Ménestrel du 25 mai : « Tout le monde voulut sortir à la fois, il s’ensuivit une poussée épouvantable, un enfoncement des portes, un écrasement de corps, une mêlée furieuse et sans conscience. D’après les plaidoiries du procès, : « il y avait un rideau de fer qui n’était pas réglementaire, les mailles étaient de 5 centimètres de diamètre alors que l’ordonnance de 1881 exige qu’elle n’est que 3 centimètres » l’ordonnance de 1881 en son article 9 précise le rideau de fer doit être soutenue par des cordages combustibles, l’incendie se charge lui même de les bruler et le rideau tombe automatiquement.
à l’opéra de Paris 199 tuyaux sont jugés nécessaires pour défendre le monument. Il y a dans les cintres, un réservoir alimentant des pompes à bras qui exige l’action de 24 hommes pour un temps estimé de 7 à 8 minutes. Au bout de ce temps là il n’y aurait plus une goute d’eau.
Des Lumières toujours allumées dans les escaliers
Pour la construction de du nouvel opéra comique Louis Bernier édifie la troisième et actuelle salle Favart se souvenant du dernier incendie de l’Opéra-Comique 1887 et des funestes conséquences qui résultèrent de l’obscurité où fut plongée la salle, ils ont cherché à maintenir la lumière dans les corridors et dans les escaliers, même dans le cas où l’éclairage viendrait à disparaître à l’intérieur pour cela ils placent au dehors, en face de chaque ouverture, un fort bec de gaz alimenté par la conduite de la rue, n’ayant aucune communication avec le théâtre, qui d’ailleurs n’est éclairé qu’à l’électricité. De sorte que, quand bien même la lumière électrique viendrait à s’éteindre instantanément, les escaliers, les vestibules et les couloirs resteraient éclairés par les lumières extérieures.
Pour faciliter les mouvements de décors et remédier aux causes de sinistres provenant de l’accumulation des châssis sur la scène, ils établissent contre le mur du fond de la scène deux grands magasins séparés par le poste des pompiers; les murs de côté, le plancher et le plafond doivent être construits en briques pleines, et la fermeture hermétique de face en tôle pleine, manoeuvrant rapidement, de façon que ces deux magasins présentent à peu près l’aspect de fours, où le feu, s’il prend, sera étouffé sans pouvoir communiquer l’incendie en dehors de leurs parois.
les principes posés par M. Trélat dans son rapport présenté le 2 juillet 1887 a la Commission instituée par M. le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts pour examiner les mesures a prendre contre les incendies et les réformes à apporter dans les théâtres subventionnés. (Emile Trélat, architecte, professeur de construction civile au Conservatoire impérial des arts et métiers )
Avant d’étudier la question des secours en cas d’incendie, il faut supprimer les causes d’incendie et empêcher l’éclosion possible du feu au théâtre. Le premier point est donc de supprimer la « capacité incendiaire de la lumière et l’inflammabilité des objets qui remplissent la scène . D’abord, on peut supprimer le gaz, dont les flammes sont vacillantes et folles , et le remplacer par la lumière électrique. On peut au moins, comme le propose de le faire les architectes de l’Opéra-Comique et comme cela existe a l’Opéra de Vienne, rendre le dépôt de décors ininflammable en l’Isolant complètement par des fermetures hermétiques en briques et en fer. En outre, il ne manque pas de matières rendant les tissus et le bois ininflammables: Le borate de soude, le tungstate de soude ou d’ammoniaque et l’amiante donnent cet égard d’excellents résultats.
- Si, après avoir supprimé toutes les causes d’incendie, le feu éclatait pourtant, il s’agirait de protéger les spectateurs contre les périls que recèlent les produits de la combustion. 11 suffit pour cela de couper les voies au feu, venant toujours de la scène du côté de la salle, par des rideaux et des portes obturant toutes les ouvertures du mur de scène, et d’aérer les combles de la scène pour y activer la combustion en ménageant des baies qui serviront a évacuer au plus vite et en aussi grande quantité que possible les flammes et le gaz du foyer.
- Si, par impossible, le feu a franchi toutes les barrières qu’on lui oppose, il ne reste plus qu’à dégager la foule emprisonnée dans l’incendie.
- C’est le sauvetage qui commence. Il faut pour cela que les escaliers et les corridors s’élargissent à mesure qu’on descend, à mesure que les courants de foule se joignent et s’ajoutent les uns aux autres. Le placement des portes, la disposition des issues, la mobilité des vantaux, sont autant de précautions à prendre et qui incombent essentiellement aux architectes des théâtres.
- Concluons donc en insistant de la façon la plus énergique pour demander l’application immédiate des mesures proposées par M. Trélat c’est-à-dire la suppression absolue du gaz et l’établissement d’appareils d’électricité construits, comme on peut le faire aujourd’hui, sans danger d’incendie possible.
reference : Bapst, Germain (1853-1921). Essai sur l’histoire du théâtre : la mise en scène, le décor, le costume, l’architecture, l’éclairage, l’hygiène / par Germain Bapst. 1893.
Les prémices et les étapes de construction règlementaires 1941,1954, 1965
le 28 octobre 1938, les 73 morts du feu des nouvelles galeries de Marseille, justifie le 12 novembre 1938 la publication du décret-loi relatif aux mesures de protection contre l’incendie, qui aboutira d’une part à la création des marins-pompiers de Marseille et, d’autre part, à la création d’une inspection technique permanente des corps des sapeurs-pompiers prémices des SDIS (services départementaux d’incendie et de secours). Ce décret-loi gouvernera la création des commissions de sécurité au niveau communal, départemental et central porté par le décret du 7 février 1941 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments ou locaux recevant du public.
le Mardi 29 avril 1958 l’Incendie détruit en moins d’une heure, de 5h30 à 6h30 le Théâtre de Besançon construit par Ledoux en 1784 . Seules les façades extérieures sont épargnées. cause inconnue
c’est l’arrêté du 23 mars 1965 contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) qui devient véritablement le premier règlement de sécurité. Il classe les ERP par type, impose les vérifications techniques, les visites des commissions à la livraison mais également pendant l’exploitation, en définissant une périodicité.