Jean Chollet directeur de publication des revues Actualité de la Scénographie 1983-2005 il est l’auteur de André Acquart architecte de l’éphémère ( Actes Sud – 2006 ), Prix du Syndicat professionnel de la Critique de Théâtre de Musique et de Danse 2006-2007 : Meilleur livre sur le théâtre
Créer l’espace nécessaire à la représentation dramatique, évoquer les lieux de son action ou en prolonger le sens, dans l’illusion, l’illustration, le symbolisme, le naturalisme ou l’abstraction, déterminer une spatialité nécessaire au jeu du comédien et à son rapport avec les spectateurs, relèvent, à travers les époques, de la fonction majeure de la scénographie. À partir du théâtre antique, puis sous les influences de Vitruve et Serlio à la Renaissance et des théories d’Appia et Craig au XIXème siècle, ses mises en formes et ses esthétiques participent aux évolutions majeures du théâtre. Elle a conditionné le spectacle de telle manière, qu’étudier la dramaturgie d’une époque renvoie à l’étude d’une scénographie d’une forme donnée.
Naissance de l’illusion scénique
Cette pratique artistique trouve sa source dans l’Antiquité et le théâtre grec. Elle prend la forme de panneaux peints appliqués sur la façade de la maison des acteurs ou skênê élevée lors des fêtes en l’Honneur de Dionysos et devant laquelle se déroulait le drame. À partir du V° siècle av. J-C, son expression fut repérable, notamment dans les représentations d’œuvres d’Eschyle et de Sophocle. Tragédies et comédies suscitent expressions spécifiques et adaptations de la skênêgraphia, qui contribue aux cotés du texte, de la musique et des costumes, à la notion de spectacle total, initié par le théâtre grec de cette époque. Plus tard à Rome, la skênê grec est remplacé par le mur de scène ( frons scenae ) percé de trois baies. Dans un premier temps, il est décoré de toiles peintes associant le trompe-l’œil de l’illusion à des images plus naturalistes. Au 1° siècle avant J.C., les constructions scéniques intègrent des éléments architecturaux décoratifs : colonnes, frontons, statues, dont la présence limite l’utilisation des toiles montées sur tourniquets, réservées aux illustrations des lieux traversés par l’action dramatique.
Reconstitution du Théâtre antique d’ Orange
(photo DR)
Quelques siècles plus tard, une évolution notable des concepts scénographiques, s’exprime dans le théâtre médiéval. Le Moyen Âge, ne construit pas de lieu spécifique pour le théâtre. Il investit des bâtiments destinés à d’autres fins, églises ou palais, consacrés aux drames liturgiques, ou aménage sur les places publiques des structures de bois éphémères, employées surtout pour les représentations de mystères. Si, pour les premiers, l’organisation des espaces s’appuie sur un symbolisme religieux, les seconds suscitent des aires de jeu circulaires ou frontales bordées de parties indépendantes du décor ( mansions ) pour chacun des épisodes. Avec loges et gradins, cet ordonnancement spatial, conforte une relation de proximité entre acteurs et spectateurs, encore accentuée dans le théâtre profane, par des scènes de tréteaux rudimentaires face à un public debout.
Le Miracle de Sainte Appoline
Peinture de Jean Fouquet vers 1420
En Angleterre, à la même époque, le théâtre médiéval représenté aussi sur des chars mobiles ouvre à partir de la seconde moitié du XVI°siècle sur le théâtre élisabéthain. La complexité de celui-ci entraîne un bouleversement de l’espace théâtral associant intimement architecture et scénographie.
Maquette du Globe Theater
(phote DR)
De forme ronde ou polygonale (comme le théâtre du globe de Shakespeare), il est construit en bois et entouré sur trois côtés par trois étages pour les spectateurs. L’ espace scénique comporte trois aires de jeu. Une scène en éperon dotée d’une trappe en avancée sur le parterre, une scène intermédiaire couverte par un toit de chaume sur deux piliers, et une arrière-scène également couverte, à deux niveaux. Le premier utilisable pour le jeu, le second pouvant accueillir des musiciens. Ce dispositif, dans sa pluralité d’espaces et de variation de plans, offrait diverses potentialités à même d’accompagner une nouvelle écriture dramatique, nécessitant une relation scénique renouvelée. La scénographie naissait dans la souplesse et la variété d’utilisation des espaces construits, avec l’intégration de quelques accessoires et – parfois – de panonceaux indicatifs des lieux. L’absence d’effets décoratifs étant compensée par la richesse des costumes.
Swan Theater
Un modèle scénographique : la salle à l’italienne
Le premier grand tournant de la scénographie du théâtre occidental se situe à la Renaissance, avec l’avènement de la salle et de la scène à l’italienne. Dans le courant de théories artistiques préconisant de renouer avec les inspirations des Anciens, la publication en 1486 par Suplicio da Veroli des concepts de l’ingénieur et architecte romain du siècle d’Auguste, Vitruve, seront influents. Ils déterminent de nouvelles orientations architecturales pour la construction des théâtres, exprimées notamment par Palladio, lors de la réalisation du théâtre de l’Académie Olympique de Vicence, en 1585. Pourtant son organisation scénique ne répond pas plus que les mansions, aux nécessités totales d’unité et maintient des décors multiples ou juxtaposés. C’est un autre architecte italien, Sebastiano Serlio (1475 –env 1554), auteur de traités d’architecture et de perspective, qui, à partir de 1540, jettera les bases de ce qui allait être un modèle théâtral durant des siècles. Parmi celles-ci, la création d’une dichotomie entre la salle une scène aménagée ( jusque dans son plancher incliné ) pour créer l’illusion à travers la perspective. La scénographie née de cette période, puis à travers ses évolutions et variations jusqu’au XIXème siècle en Europe, se fonde sur des décors en perspective, dans l’utilisation de toiles peintes comme dans celle d’éléments construits. Si à l’origine, ces décors étaient spécifiques, à la tragédie, à la comédie ou à la pastorale, ils évoluèrent pour les œuvres classiques les plus jouées vers un décor fixe. Ils évoquent surtout les lieux de l’action dramatique, dans une transposition du réel décorative et poétique. Leur perspective s’organise à partir du point idéal des lignes de fuite, couramment appelé l’œil du prince, en fonction de la place occupée dans la salle par les dignitaires. Car ce théâtre, est ordonnancé par d’une hiérarchie sociale très marquée.
Palladio – Théâtre de Vicence
(photo DR)
L’illusion baroque et le théâtre des machines
Au XVIIème siècle, l’évolution structurelle de la scène et l’apport de nouvelles techniques, vont conforter ces applications scénographiques. Dans son traité, Pratique pour fabriquer scènes et machines de théâtre ( 1638 ), l’architecte ingénieur Nicola Sabbattini développe les méthodes de réalisations scéniques en associant le décor à la machinerie. Depuis le cadre de scène, il définit une organisation de l’espace sur une surface à deux dimensions, intègre des effets visuels et sonores réalisés à l’aide de trappes et machines ( apparitions, vols, mer, ciel, vent, tonnerre ), et propose des solutions pour améliorer l’éclairage. Ainsi, selon l’optique baroque, la scène associe l’illusion à une forme de magie qui mêle formes, couleurs, sons, ombres et lumières, pour tendre vers l’émerveillement du spectateur. Les changements de décors effectués sous ses yeux au cours d’intermèdes, les transformations, les nuées et les dieux qui descendent du ciel, concourent à cette perception.
Décor baroque de Ferdinando Galli da Bibiena (1657-1743)
Encyclopédie de Diderot et d’Alembert – Machinerie classique
À partir de ces bases fondatrices, la scène à l’italienne, connaîtra du XVIIIème au XXème siècle des évolutions, suscitées tout autant par son interprétation dans les différents théâtres européens, que par l’intégration des nouvelles techniques scéniques de plus en plus performantes. Elles influenceront les déclinaisons du modèle italien et ses expressions scéniques jusque dans ses conceptions architecturales, et maintiendront pour l’essentiel ses conventions et ses codes, jusqu’à l’avènement au début du XXème siècle, de nouvelles théories dramatiques et scénographiques.
Adolphe Appia
Adolphe Appia – Orphée et Euridyce de Glück, Hellerau 1912
On peut situer l’origine des plus profondes révolutions de la scénographie contemporaine, dans les théories développées par le metteur en scène et scénographe suisse Adolphe Appia ( 1862-1928 ). À partir de l’étude d’une mise en scène de l’œuvre de Wagner, L’Anneau du Nibelungen, et convaincu de sa trahison par la représentation, il publie deux essais capitaux La Mise en scène du drame wagnérien ( 1895 ) et La Musique et la mise en scène ( 1899 ). Il critique l’illusion et le naturaliste, refuse la notion d’art total ( le Gesamtkunstwerk de Wagner ) tendant à la fusion des différents composants de la représentation. À l’inverse il prône leur harmonisation hiérarchique en privilégiant le texte dramatique et surtout l’acteur. C’est autour de l’action de ce dernier que doit se modeler l’espace théâtral. Il ne peut trouver sa cohérence dans « la fausseté d’un univers scénique à deux dimensions où s’inscrit la réalité à trois dimensions du corps de l’acteur ». D’où la nécessité de créer un espace à trois dimensions, qui rompe avec l’enfermement caractéristique de la scène italienne et substituer aux toiles peintes des dispositifs simples : cubes, plots, marches, paravents, qui, combinés avec la lumière, doivent renforcer l’expressivité du corps humain. Appia développera ces expérimentations auprès de son compatriote Jacques-Dalcroze, créateur d’une gymnastique rythmique, puis dans la réalisation de ses mises en scène et scénographies. Les espaces construits en volume par Appia sont fonctionnels et transformables par rapport au drame, à l’acteur, et laissent de moins en moins de place à la représentation descriptive. « C’est par la disposition générale de la scène que l’acteur prend contact et réalité avec l’espace scénique ». Dans ses dispositifs, il renouvelle l’utilisation de la lumière, dont les variations favorisent la puissance expressive de l’espace. Mais ce théoricien novateur ne se limite pas au seul champ de la scène. Ses conceptions le portent tout naturellement à se préoccuper de son rapport avec la salle, et à refuser la barrière dressée entre la scène et la salle à partir d’un cadre qui emprisonne la représentation. En 1908, il incite les frères Morax au Théâtre populaire de Jorax à briser cette antinomie en créant un escalier reliant la scène à la salle. Il poursuivra ses recherches sur des salles de synthèses aux volumes unifiés, surtout destinées à affiner la relation acteur-spectateur. Plus tard, dans sa vision utopique d’un « art vivant auquel tous participeraient », il ira jusqu’à envisager un lieu théâtral appelé « la salle, cathédrale de l’avenir, qui, dans un espace libre, vaste, transformable, accueillera des manifestations les plus diverses ». Une sorte de préfiguration de la polyvalence scénique qui sera appliquée avec plus ou moins de bonheur quelques décennies plus tard.
Edward Gordon Craig
Les avancées d’Appia ne peuvent être dissociées des apports de son cadet de dix ans, Edward Gordon Craig ( 1872-1966 ), metteur en scène et théoricien anglais. Celui-ci définit le théâtre, comme un art du mouvement dans un espace symbolique fondé sur la rencontre géométrique des lignes et des plans, des jeux d’ombre, des lumières et de la couleur. Son rejet du naturalisme s’inscrit aussi dans un désir de révélation de l’invisible. Si ses projets restent en majorité à l’état d’esquisses en fonction de leur radicalisme ( Macbeth ( 1905 ) et Le Roi Lear ( 1908 ) pour Max Reinhardt) ses écrits diffusés à travers l’Europe exercent une profonde influence. Parmi ses réalisations marquantes, Rosmersholm ( 1906 ) à Florence, et surtout, à l’invitation de Stanislavski, Hamlet ( 1912 ) au Théâtre d’art de Moscou, où il utilise des paravents modulables à vue. À ses yeux, une scène architectonique doit remplacer la scène picturale. Au début des années 1920, il définit un espace unique composé de panneaux articulés sans décoration peinte, d’écrans, dont l’organisation transformable est en relation étroite avec les métamorphoses du drame.
Gordon Craig – Hamlet de William Shakespeare
Théâtre d’art de Moscou, 1912
(photo DR)
Stanislaw Wyspianski
La force des pensées théoriques d’Appia et de Craig sera d’une influence capitale sur la mise en scène et la scénographie du XXème siècle. Moins connue, l’œuvre du Polonais Stanislaw Wyspianski ( 1869-1907 ) pallèlement à sa connotation nationale s’inscrit elle aussi dans la réforme de la scène européenne alors en cours. Peintre, dramaturge, metteur en scène et décorateur de théâtre, il ne refuse pas la synthèse des arts dans le théâtre chère à Wagner, et la traduit dans ses conceptions scéniques, ses créations de costumes ou d’objets chargés d’un rôle symbolique. Si la peinture et la couleur figurent , au-delà de leur aspect descriptif, parmi ses formes d’expressions favorites, Wyspianski témoigne d’aspirations plus profondes. Pour Hamlet il abandonne le décor successif pour le remplacer par un dispositif à mansions simultanées avec arcades dotées de rideaux tour à tour ouverts ou fermés suivant le déroulement de l’action. Mais c’est surtout pour sa pièce La Libération (1903) qu’il exprime avec plus de force ses conceptions scénographiques. Il imagine une scène nue sans rideau où les acteurs revêtiraient leurs costumes à vue, tout comme les machinistes déplaceraient quelques éléments de décor nécessaires à évoquer les lieux du drame. Wyspianski se détourne ainsi de l’illusionnisme réaliste et de la scène à l’italienne, tout en en étant proche d’Appia et de Craig dans l’utilisation de la lumière.
Dans l’U.R.S.S du début des années 20, se développe le courant du constructivisme qui se définit dans le prolongement de l’esprit révolutionnaire, comme antiartistique et fonctionnaliste. Il pénètre le théâtre pour répondre aux désirs de plasticiens s’emparant de la scène comme espace d’expérimentation, en rejetant violemment l’esthétique « bourgeoise ». Cette réforme fut amorcée par les réalisations de Malévitch, Exter, Taïrov, entre autres autres, dont les réalisations associent le cubisme pictural coloré aux formes géométriques dissymétriques, composées de plans et volumes à même de créer tension et abstraction dans la représentation d’une œuvre.
Vsevolod Emilievitch Meyerhold
Mais la référence essentielle de cette période déterminante dans l’histoire du théâtre moderne, demeure V. E. Meyerhold (1874-1940). Acteur et metteur en scène sous l’ère tsariste sa pratique bascule à partir de 1917. Ses recherches développent un nouveau langage scénique fondé sur une redéfinition de formes et d’assemblage des composants de la représentation. Son rejet du naturalisme, ses expérimentations sur la prise de conscience de la mécanique corporelle (biomécanique), la rythmique, l’expression vocale et sonore, vont modifier profondément l’espace scénique. On en trouve une illustration parmi les plus marquantes dans sa réalisation du Cocu magnifique de Crommelynck en 1922. Exécuté par Ljubov Popova, le décor frontal est composé de plates-formes nues, d’escaliers, de plans inclinés, d’un châssis à clair-voies et de roues, d’une porte tournante et d’un cadre triangulaire supportant les ailes d’un moulin. Cette structuration du décor, conçu selon son auteur comme « une sorte de machine qui prend vie au cours de la mise en scène » fournit aux acteurs un instrument, qui, dans sa construction comme dans sa spatialité, est à même d’optimaliser leur jeu fondé sur la biomécanique.
Le Cocu magnifique de Fernand Crommelynck, Moscou 1922
(photo DR)
Max Reinhart et Erwin Piscator
Si à cette époque l’URSS est le foyer du constructivisme, l’Allemagne est celui de l’expressionnisme. Au théâtre, il trouve principalement des innovations scéniques auprès de deux créateurs : Max Reinhardt (1873-1943), et, dans une autre mesure avec Erwin Pïscator (1893-1966). Acteur et régisseur d’origine autrichienne, Reinhardt, tend à fondre une part de magie et d’illusion dans les théories d’Appia et de Craig. Mais il se caractérise surtout par son désir d’instaurer pour chaque œuvre représentée un rapport optimalisé entre la scène et le public, ce qui le conduit à expérimenter de nouveaux lieux pour le théâtre : cirque, arène, église, rues. Ses scénographies éclectiques sont guidées par les nécessités propres à chacune des dramaturgies. Plateau tournant pour exalter le mouvement dans des pièces de Shakespeare ou de Kleist, adaptation de l’espace architectural du théâtre grec pour la tragédie antique ( Œdipe-Roi, 1910, L’Orestie, 1911 ), installation d’un ensemble scène-salle intégré au décor pour Le Miracle de Vollmoeller et Humperdinck ( 1911 ) à l’Olympia-Hall de Londres, avec son décorateur E. Stern. Reinhardt utilise les moyens techniques les plus perfectionnés, et trouve une puissante force expressive dans une utilisation originale de la lumière.
Œudipe de Sophocle, mise en scène Max Reinhardt, Berlin 1910
(photo DR)
La démarche du metteur en scène allemand Piscator est plus radicale. Son engagement artistique s’inscrit dans un combat politique en faveur du socialisme révolutionnaire qui nécessite des moyens d’expression simples et percutants, tenant à distance l’expressionnisme et le naturalisme. Le théâtre devient témoignage et profession de foi, pour susciter une prise de conscience collective accompagnant les luttes sociales. Pour cela, Piscator impose de nouvelles formes dramaturgiques et un espace scénique adapté. Celui-ci doit fournir de multiples possibilités au metteur en scène, pour définir un rapport scène-salle tendant dynamiser la perception du spectateur. Ce concept entraînera Piscator à solliciter son ami, l’architecte Walter Gropius, membre du Bauhaus, pour mettre en œuvre un projet de théâtre entièrement transformable permettant d’utiliser les techniques les plus modernes. Son Totaltheater , imaginé en 1927, ne sera jamais réalisé. Il n’en a pas moins influencé les projets des lieux scéniques les plus audacieux. Piscator a egalement utilisé des scènes classiques en leur apportant une nouvelle dynamique. Avec ses scénographes ( J. Heartfield, E. Suhr, T. Müller, G. Grosz ), il crée une synergie des éléments scéniques, structures ouvertes fixes ou mobiles à plusieurs plans horizontaux, aires de jeu parcellaires, tapis roulants, projections de films, dessins animés, photomontages, et exploite les technologies nouvelles avec leur fonctionnalité libératrice dans le développement de l’action dramatique. Des applications particulièrement repérables dans Hop là, nous vivons de E. Toller et Raspoutine de Tolstoï et Chtchegolev ( 1927 ) dans les dispositifs de Traugott Müller, ou pour Les Aventures du Brave soldat Schweyk d’après Jaroslav Hasek ( 1927 ), dans celui de George Grosz.
Les Aventures du Brave soldat Schweyk – Berlin 1927
Mise en scène de Piscator, décor de George Grosz
(photo DR)
Théâtre d’art, théâtre public : la multiplication des formes
En France, dès la fin du XIX° siècle, le metteur en scène Aurélien Lugné-Poe ( 1869-1940 ), marque une rupture avec la scène conventionnelle. Au Théâtre de l’Œuvre, il développe une recherche expérimentale sur le symbolisme scénique, qui trouvera sa résonance dans des décors peints, synthétisés et suggestifs, peu éclairés, en mesure d’instaurer un climat sensible avec la représentation d’une œuvre. En 1898, il investit le Cirque d’ Eté, pour revisiter et transposer la scène élisabéthaine et établir une proximité entre acteurs et spectateurs, à l’occasion de sa mise en scène de Mesure pour Mesure de Shakespeare.
L’Annonce faite à Marie de Paul Claudel – décor de Jean Variot pour Lugné-Poe, 1912
La Tradition du Vieux-Colombier
Mais le bouleversement le plus marquant de l’espace scénique en France au début du XX° siècle se situe avec la fondation du Théâtre du Vieux-Colombier par Jacques Copeau en 1913. Luttant contre les formes commerciales et exhibitionnistes, il souhaite rendre au théâtre sa grandeur, en le dépouillant de ses artifices. Pour cela, il souhaite retrouver la simplicité du tréteau nu, point de départ d’une réflexion alimentée par ses rencontres avec Craig et Appia. Étape par étape et en s’inspirant de la scène élisabéthaine, il insuffle à Louis Jouvet la création en 1920, d’un dispositif scénique architecturé devenu mythique. En bois, il occupe la totalité du fond de scène et se compose d’une arche centrale surmontée d’une passerelle. Deux ouvertures de chaque cotés de cette arche donnent accès aux escaliers menant à la passerelle. À l’avant, différents plans ( dont l’installation d’un tréteau modulaire amovible ), la liaison du proscenium par trois marches, avec ses deux trappes latérales ouvrant sur les dessous, offrent, malgré l’espace réduit, une liberté de mouvement aux comédiens. Utilisé pour une trentaine de créations, ce dispositif sera complété en fonction des œuvres d’éléments de décor le plus souvent sommaires ( rideaux, châssis, paravents ). Cette conception de la scène, marque une volonté de privilégier le jeu de l’acteur – un principe fondamental dans les révolutions scéniques du XX siècle. Il sera plus ou moins appliqué par les autres membres du Cartel ( Gaston Baty, Charles Dullin, Georges Pitoëff ), selon un éclectisme qui n’échappe pas toujours aux tentations décoratives.
Louis Jouvet – Élévation de la scène du Vieux-Colombier
(photo BnF)
C’est du coté de Louis Jouvet ( 1887-1951 ), metteur en scène, qu’une filiation avec l’esprit du Vieux-Colombier sera entretenue lors de sa rencontre avec le décorateur Christian Bérard ( 1902-1949 ). Influencé par Meyerhold, Bérard pratique un « art d’allusion ». Sa volonté de servir l’expression d’une œuvre dramatique, jusque dans l’invisible, le conduit à concevoir un projet scénographique par suppressions progressives ne laissant sur le plateau que l’essentiel nécessaire au drame. « Ce que je préconise par dessus tout au théâtre c’est le vide ». Cette recherche de dépouillement scénique ( pratiquée encore par certains scénographes d’aujourd’hui ), le conduit vers des formes stylisées dans la légèreté s’allie intimement au choix des couleurs. Principaux témoignages : L’École des Femmes (1936), La Folle de Chaillot (1945), Don Juan ( 1947 ).
La Folle de Chaillot de Jean Giraudoux- décor de Christian Bérard, Théâtre de l’Athénée, 1945
Collection A.R.T.
Vers un nouveau langage scénique
Parallèlement, un autre courant esthétique s’est développé en France avec l’arrivée en 1909 des Ballets russes de Serge de Diaghilev. Dans leur désir de créer une synthèse des arts au service de la danse, les chorégraphes vont faire appel à des artistes peintres parmi les plus novateurs ( Ernst, Miró, Braque, Léger, Picasso, Mondrian … ). Le décor qui parfois se réduit à un tableau agrandi en fond de scène, conserve dans un premier temps sa fonction décorative ou illustrative. Mais il tend aussi à développer une vision picturale synthétique, adaptée au thème du ballet, pour offrir à la musique un équivalent visuel. La tradition picturale est entretenue au théâtre par divers décorateurs de la Comédie-Française aux théâtres privés.
Elle se poursuit après la Seconde guerre mondiale dans une évolution de ses formes et dans sa résonance avec la représentation, à travers les créations de décorateurs comme Georges Wakhévitch, Jean-Denis Maclès ou Jacques Noël.
Les Chaises d’ Eugène Ionesco – décor de Jacques Noël, 1956
Collections A.R.T.
Peintre, Léon Gischia ( 1903-1991 ) va rationaliser l’espace scénique tout au long de sa collaboration avec Jean Vilar amorcée en 1945. À ses côtés, il contribue à définir une organisation de l’espace qui engagera une nouvelle esthétique, dès les premières éditions du festival d’Avignon, puis à partir de 1951 au T.N.P. dans la grande salle de Chaillot. Partant du plateau nu ou d’un dispositif simple sur fond neutre, Gischia compose l’espace avec l’apport d’éléments scéniques choisis pour leur valeur signifiante et leur propension à éveiller l’imaginaire du public. Il combine les formes et les couleurs jusque dans les accessoires et les costumes, en clarifiant le jeu des acteurs et les rapports des personnages comme les tensions internes du drame. « Mais, déclare Gischia, il s’agit encore davantage de redonner au théâtre son état de cérémonie qui créera l’état de grâce qui, je crois est à la base du théâtre ». Un objectif qui se fond dans les aspirations artistiques et sociales de Vilar.
Meutre dans la cathédrale de T. S. Eliot – décor de Léon Gischia, Théâtre du Vieux Colombier, 1945
La démarche de Gishia entre comme une composante dans le souffle de renouveau qui traverse la scène française à partir du début des années cinquante. Il s’exprime principalement à travers les créations scénographiques d’André Acquart (né en 1922) et de Réne Allio. (1924-1995), qui appartiennent à une génération ayant contribué à faire de la scénographie française, un élément constitutif de la mise en scène et de l’acte théâtral. Peintre et plasticien, André Acquart se définit comme un constructeur. Ses dispositifs, fixes ou mobiles, généralement construits dans des matériaux bruts : acier, bois, toiles, partent du sol et déterminent un espace aéré, ménageant des circulations et des aires de jeu à même de créer une fluidité bénéfique à la représentation. Il utilise des panneaux mobiles qui décomposent ou recompose l’espace selon le rythme de la dramaturgie. Mais ce concepteur inventif, dans le symbolisme ou l’abstraction, se caractérise aussi par sa volonté de dilatation de l’espace scénique, à l’intérieur du cadre de scène comme à l’extérieur. Il trouve dans cet élargissement une dynamique scénique propre à favoriser l’expression de l’acteur, en participant à un approfondissement et à la lisibilité de la représentation. Une recherche qu’il mènera à bien tout au long d’une œuvre œuvre foisonnante ( elle compte plus de 350 décors ) conduite sur les grands plateaux comme sur les petites scènes. Ce parcours artistique éclectique au trouve des illustrations particulièrement marquantes dans ses collaborations avec Roger Blin ( Les Nègres en 1959, Les Paravents en 1966 de Jean Genet ) et Roger Planchon ( Troilus et Cressida de Shakespeare en 1964 ).
Les Coréens de Michel Vinaver – décor d’André Acquart, Théâtre de l’Alliance Française , 1957
Collection A.R.T.
Quant à René Allio, il définit ainsi sa pratique : « Pour chaque pièce inventer une sorte de langage de l’œil qui soutienne les significations de la pièce, les prolonge et leur fait écho, tantôt de façon précise et presque critique, tantôt de façon diffuse et subtile, à la manière d’une image poétique (où les sens fortuits ne sont pas moins importants que ceux que l’on a cherchés), à l’intérieur du mode d’expression choisi ». Influencé sa rencontre avec le Berliner Ensemble, son langage scénique s’élabore autour d’un « réalisme critique » à même de supprimer une perception contemplative du décor, et susciter chez le spectateur un regard distancié avec la représentation. Espaces cadrés avec légèreté ou ouverts, utilisation de l’horizontalité, choix et utilisation des matériaux et des formes, constituent les caractéristiques de ses compositions scéniques. Ses nombreuses collaborations avec Roger Planchon, de 1959 à 1969, ( dont un mémorable Tartuffe en 1969 ), ou au Piccolo teatro de Milan et l’Old Vic à Londres, témoignent d’une pensée scénographique originale et rigoureuse, totalement mise au service d’une dramaturgie.
Paolo Paoli d’Arthur Adamov – décor de René Allio, Théâtre du Vieux Colombier, 1958
Collections A.R.T.
En Europe
La Flûte enchantée de Mozart – décor de Luciano Damiani, Salzburg, 1974
(photo DR)
Durant cette même période, il faut également souligner les créations influentes d’autres concepteurs en Europe. En Italie, avec Luciano Damiani, ( né en 1923 ) lié à la majorité des mises en scène de Giorgio Strelher, pour sa volonté de démystifier l’illusion et son raffinement à utiliser la scène à l’italienne. En Allemagne, avec Horst Sagert pour son invention poétique, Karl von Appen et Caspar Neher, pour leurs dispositifs contribuant à la « mise à nu de l’anatomie de l’action » auprès de Brecht au Berliner Ensemble, ou encore Wilfried Minks pour son impulsion d’un nouveau réalisme auprès de Peter Zadek.
Mais ce sont sans doute les créations du Tchèque Josef Svoboda ( 1920-2002 ) qui auront le plus grand retentissement à partir des années 1950. Tout d’abord pour sa volonté d’associer étroitement la scénographie à l’élaboration même de la dramaturgie, indépendamment de sa fonction liée à la représentation. Il utilise la lumière de manière inédite, comme production du mouvement et de l’espace, et exploite les techniques modernes : mécanique, cinétique et optique, avec une grande précision, afin de produire une expressivité bénéfique au drame. Il crée aussi des dispositifs fixes ou mobiles. Pour Hamlet ( 1965 ), il réalise un décor à partir d’éléments architecturés, qui progressent vers les spectateurs tout en se reflétant dans un miroir incliné à 45°, dans un jeu de doubles plein de signification. Joseph Svoboda, se caractérise aussi par la relation qu’il instaure entre l’acteur et l’image dans la fluidité qui accompagne ses projections, rythmées par l’action ou par la musique ( Pelléas et Melisande de Debussy, Les Soldats de B.A. Zimmerman – 1969 ). Ses aménagements scéniques et son exploitation brillante des technologies serviront de bases de recherches à bon nombre de scénographes à travers le monde.
Inventer d’autres espaces scénographiques
La contestation de la salle à l’italienne
La Dispute de Marivaux – décor de Richard Peduzzi,T.N.P. Villeurbanne 1973
(photo DR)
Les années soixante sont aussi marquées par une remise en cause du lieu théâtral. Pour des raisons tant sociologiques qu’artistiques, la contestation violente de la salle à l’italienne, introduit de nouvelles données et cela même pour ceux qui Même pour ceux qui poursuivent l’exploitation de la scène traditionnelle. Richard Peduzzi, (né en 1943) qui réalise les décors de Patrice Chéreau à partir de 1969, introduit une dialectique scénique qui se fond avec la mise en scène. Elle se définit par la présence persistante de l’architecture utilisée comme signe, en dépassant la seule référence à un lieu ou une époque, pour organiser un espace métaphorique modulé par le jeu de l’acteur. Édifices évoquant des gratte-ciel abandonnés pour Massacre à Paris de Marlowe ( 1972 ), éléments élancés de façades classiques pour La Dispute de Marivaux ( 1973 ), colonnes imposantes du Crépuscule des Dieux au festival de Bayreuth ( 1976 ) ou encore pont d’autoroute lors de Combat de Nègres et de chien de Bernard-Marie Koltès (1983). Mais c’est peut-être avec Hamlet ( 1988 ), que s’exprime de manière la plus lisible l’écriture scénique de Peduzzi, alliant le symbolique à la fonctionnalité. Un plancher incliné dont la marqueterie rappelle une façade de palais Renaissance. Sol actif qui par travées se soulève, se creuse, au fil de l’action non seulement pour symboliser le Château d’Elseneur, mais aussi l’univers chaotique de l’histoire, en offrant des aires de jeu adaptées aux comédiens. L’espace raconte sans dévoiler tout autant que les mots.
Électre de Sophocle – décor de Yannis Kokkos, Théâtre des Amandiers 1971
(photo DR)
La pratique scénographique de Yannis Kokkos ( né en 1944 ) se développe auprès de Jacques Lassalle, puis se concrétise, à partir de 1969, aux côtés d’ Antoine Vitez dans un échange artistique fécond. Elle bannit l’image descriptive et l’énumération symbolique, dans un style dépouillé qui élimine le superflu et l’artifice, et exalte la présence de l’acteur. S’inspirant des techniques du cinéma, cadrages, plans successifs, Kokkos module l’expression scénographique entre une vision cadrée et une image totale hors du cadre de scène, suscitant un « va-et-vient entre abstraction et réel ». Ses créations pour Antoine Vitez supposent une intervention réelle sur la dramaturgie qu’il confortera en prenant le chemin de la mise en scène en 1991. Depuis Le Precepteur de Lenz, en passant par Lucrèce Borgia de Victor Hugo, Le Partage de Midi et Le Soulier de satin de Claudel, ou La Vie de Galilée de Brecht, chacune de ses scénographies possède sa propre rhétorique. Ainsi, pour Électre de Sophocle en 1986, il introduit un univers contemporain, autour d’un mur surmonté de figures de divinités et percé de trois baies, comme suspendu dans le temps et l’espace. De chaque cotés le vide, ouvrant à l’arrière sur un horizon de mer et montagne, et à l’avant sur les traces d’une réalité contemporaine. Une manière de réussir le « croisement de la mythologie et du quotidien » qui constitue aussi un aspect important de son travail.
Le théâtre hors les murs
Ailleurs, reflet de l’une des tendances de cette période, le théâtre sort de son cadre traditionnel pour habiter d’autres lieux, qui par leur histoire et leur réalité contribuent à une redéfinition du spectacle et de la position du spectateur. Avec André Engel, Nicky Rieti ( né en 1947 ) investit les haras de Strasbourg, pour une mise en scène mémorable de Baal de Brecht ( 1976 ). Le manège se transforme en cour d’immeuble, les écuries en port. Il reconstruit une ville soviétique dans un entrepôt pour Un Week-end à Yalk d’après Essine ( 1977 ), ou bien convertit une annexe de la mairie de Strasbourg en hôtel pour Hôtel Moderne d’après Kafka. Ces scénographies ancrées dans une réalité détournée, tracent un équilibre fragile entre le réel et le théâtral.
1789 – Cartoucherie de Vincennes 1970
(photo DR)
Cette problématique trouve une nouvelle illustration avec l’installation du Théâtre du Soleil à la Cartoucherie de Vincennes en 1979. Après les créations de 1789, puis de 1793 ( 1972-1973 ) dans les scénographies de Roberto Moscoso, qui cherchent à définir un espace unique scène – salle pour chaque spectacle, cette conception s’exprime de manière radicale avec L’Âge d’or ( 1975 ). Guy-Claude François ( né en 1940 ), désormais chargé de l’organisation scénographique auprès d’Ariane Mnouchkine, construit dans sa globalité un véritable espace théâtral. Il module sur une surface de 1700 m2, quatre vastes cratères aux courbes et pentes légères (ayant nécessité 2.500 m2 de terre), recouverts d’une chape en béton, elle même revêtue de tapis type paillasson. Acteurs et spectateurs unis dans le même espace se déplaçaient de l’un à l’autre de ces cratères, sous un plafond orné de plaques réfléchissantes de couleur cuivre réunissant les uns et les autres dans une image confondue. Cette préoccupation relationnelle reste, dans son rapport avec l’espace, à la base de la pratique de Guy-Claude François, que se soit au Théâtre du Soleil et cela même après un retour à une scène frontale à partir des Shakespeare ( 198I-1984 ), ou dans les théâtres conventionnels.
Une nouvelle génération de scénographe
La réhabilitation de l’édifice théâtral dans le courant des années quatre-vingt s’accompagne de l’émergence d’une nouvelle génération de scénographes. Parmi ceux-ci Daniel Jeanneteau et Emmanuel Clolus témoignent, malgré leurs différences, d’une même réflexion tendant à redéfinir une poétique scénique. Le premier, lié aux créations de Claude Régy depuis 1989, refuse le spectaculaire pour créer dans une pureté féconde un univers sensoriel en partie fondé sur l’exploitation du vide. Il échappe à la primauté de l’image, pour se concentrer dans l’abstraction sur un espace qui ne fixe rien, permette des métamorphoses, en accompagnant un éveil de l’écoute. « Que l’espace s’ouvre aux yeux comme une question, qu’il se creuse, qu’il se dérobe. C’est ainsi que l’espace (en tant qu’évidemment, mouvement de retrait, recul de signification) induit, demande, suscite la parole, qu’espace et parole s’induisent mutuellement, s’enchaînent, s’éprouvent l’un par l’autre dans une nécessité réciproque ». Des définitions traduites avec une force prégnante et bénéfique dans les représentations des œuvres de Grégory Motton, Maeterlinck, Jon Fosse ou David Harrower, mises en scène par Claude Régy. Daniel Jeanneteau les développe aujourd’hui dans ses propres mises en scène ( La Sonate des spectres 2003 ).
Maxime Gorki, Les Estivants, mise en scène Eric Lacascade, scénographie Emmanuel Clolus – 2010
(photo Ouest-France)
Emmanuel Clolus adapte une conception voisine auprès de Stanislas Nordey ( Bête de style de Pasolini, La Dispute de Marivaux, Vole mon dragon d’Hervé Guibert, La Noce de Wyspianski …) puis de Frédéric Fisbach ( L’Annonce faite à Marie de Claudel, Tokyo Notes de Ozira Hirata). Dans ses décors l’acteur ne joue plus dans l’espace, mais avec lui. Ses décors plus ou moins ouverts sont des propositions au jeu de l’acteur. Celui-ci ne joue plus dans l’espace mais avec lui. La scénographie intègre dans une fluidité sensible la mise en scène, qui trouve dans la présence d’éléments ou d’objets un prolongement de sens. Cette tendance vers l’épure et le dépouillement trouve un écho significatif dans l’émergence de jeunes praticiens. Les évocations de ces quelques réalisations scéniques laissent apparaître la nécessité d’une adéquation artistique entre metteur en scène et scénographe. Un décor inadapté est souvent le résultat d’une divergence entre les deux. C’est pourquoi des tandems se sont formés dans une osmose créatrice : Strehler et Daminani, Planchon et Allio, Vitez et Kokkos, Chéreau et Peduzzi, François et Mnouchkine, Régy et Jeanneteau …. Ils permettent dans l’échange, une harmonisation de deux univers tendus vers une même finalité. En maîtrisant les apports de nouvelles technologies ( en matière de lumière, son, vidéo et images projetées ) la scénographie dispose aujourd’hui d’un vocabulaire artistique qui lui permet de répondre aux différentes formes dramatiques. Elle fait partie intégrante et constitutive des évolutions d’un art éphémère en constante mutation. Sa spécificité conceptuelle lui ouvre aussi d’autres applications, en accompagnement de l’architecture, de la muséographie, de l’exposition, ou de l’évènementiel.