Contrefaçon : appréciation de la protection de la plus grande boule à facettes du monde Michel de Broin est un artiste visuel dont le travail repose sur le détournement d’éléments du quotidien.
En 2009, il a conçu une œuvre monumentale dans le cadre de la Nuit Blanche à Paris intitulée La Maîtresse de la Tour Eiffel.Présentée dans le Jardin du Luxembourg à Paris, cette œuvre consistait en la suspension par une grue d’une boule à facettes d’un diamètre de 7,5 mètres et composée de 1000 miroirs. Cinq projecteurs permettaient aux faisceaux lumineux d’être reflétés dans le jardin, et notamment sur la façade du Palais du Luxembourg.L’artiste a découvert que la société ayant fabriqué la boule l’avait ensuite utilisée régulièrement : en 2019 lors de l’inauguration d’un magasin des Galeries Lafayette, mais également en 2011 au festival Solidays, puis à celui des Vieilles Charrues, en juillet 2012 sur la Tour Eiffel et en 2014 lors de la Fête des Lumières à Lyon.
L’artiste a alors assigné, le 6 août 2024, la société en contrefaçon. Reconnue en première instance, l’originalité de l’œuvre présentée lors de la Nuit Blanche n’était plus contestée.Dans son arrêt, la Cour d’appel confirme dans un premier temps la prescription pour les actes antérieurs de plus de cinq années au jour de l’assignation.Dans un second temps, les magistrats se concentrent sur les actes non prescrits. La contrefaçon d’une œuvre de l’esprit consiste dans la reprise des éléments dits originaux.
L’œuvre protégée avait été caractérisée en première instance par « une association d’éléments évocatrice d’un ‘phénomène céleste’, l’originalité résultant du détournement de l’utilisation classique d’une boule à facettes et de son positionnement en surplomb associé à la puissance des éclairages, l’ensemble modifiant la perception de l’environnement. L’œuvre n’est originale que dans sa relation avec un décor. »
Or, la boule à facettes n’est qu’une des composantes de l’œuvre protégée par le droit d’auteur. Et comme l’a relevé le Tribunal, la boule miroir est exclue du périmètre de la protection.Dès lors, la photographie de la seule boule ou de la boule suspendue à une grue éclairée ne constitue pas une contrefaçon.Il en est de même de l’utilisation de la boule à facettes dans sa fonction usuelle d’agrément lors de l’inauguration des Galeries Lafayette, à une hauteur moindre, sans qu’il soit établi une modification de la perception de l’environnement.
La Cour relève d’ailleurs qu’à l’occasion de la Nuit Blanche, l’environnement était plongé dans le noir, alors que tel n’était pas le cas lors de l’inauguration du grand magasin.En revanche, une vidéo présente sur le site Internet de la société, montrant les effets lumineux de la boule sur les bâtiments environnants, constitue une reproduction non autorisée.La société est condamnée à verser la somme totale de 65 000 euros en réparation du préjudice subi pour ce dernier acte.CA Versailles, Ch. civ. 1-1, 18 mars 2025