Dans une décision récente, la cour d’appel de Nîmes est venue préciser les critères permettant de distinguer le rôle de régisseur lumière de celui de concepteur lumière, et les conséquences de cette qualification sur la rémunération applicable.
Cette décision est significative à plusieurs titres :
Elle réaffirme que l’exercice d’une compétence artistique, même dans un cadre d’exécution technique, peut ouvrir droit à une rémunération et à un statut relevant des catégories cadres artistiques.
• Elle invite les professionnels du spectacle à documenter précisément leur contribution créative, pour en garantir la reconnaissance juridique.
CA Nîmes, 7 mai 2024, n° 21/04132 – CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON
M. G. était engagé en qualité de régisseur lumière pour un spectacle théâtral. Il percevait un salaire horaire brut de 10,03 €, sur la base d’une convention de non-cadre. Il saisit la juridiction prud’homale pour obtenir la reconnaissance d’une fonction de concepteur son et lumière et sollicite une requalification de son poste assortie d’une rémunération horaire de 18 €.
Les positions des parties :
• L’employeur soutenait que M. G. exécutait les directives du metteur en scène et qu’il n’avait ni l’autonomie ni la responsabilité artistique d’un concepteur.
• M. G. produisait au contraire plusieurs éléments démontrant un rôle actif dans l’élaboration du dispositif lumineux du spectacle :
• Une affiche sur laquelle il est crédité en tant que responsable des lumières.
• Des échanges de courriels où il dialogue de pair à pair avec le metteur en scène, propose des intentions lumineuses, créé les plans adaptés au lieu, au jeu, à la vision scénique.
• Un plan lumière qu’il a lui-même conçu ,prérogative exclusive du concepteur, et non du régisseur.
L’analyse juridique :
La cour rappelle les définitions professionnelles :la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles (CCNEAC) distingue le régisseur, technicien de l’exécution, du concepteur lumière, qui participe à l’élaboration artistique du spectacle.
• Le régisseur lumière met en œuvre des plans d’éclairage conçus par d’autres ;
• Le concepteur lumière élabore un concept artistique, choisit les équipements, conçoit un plan de feu, et supervise la conformité technique et artistique de son exécution.
En l’espèce, la cour constate que M. G. a proposé des choix artistiques, adapté la lumière au lieu et aux intentions du metteur en scène, et établi un plan de feu, actes relevant typiquement de la conception lumière. Il s’agit bien de concevoir un univers lumineux spécifique, en dialogue avec les intentions de mise en scène.
La décision :
La cour reconnaît que M. G. exerçait une fonction de concepteur lumière – cadre groupe 2, au sens de la convention collective applicable.
Quand un régisseur conçoit les lumières, il devient concepteur. Et cette qualité ne relève pas du bon vouloir de l’employeur, mais du droit.
Dans un monde du spectacle où l’artiste est souvent multiple : créateur et technicien , il est temps que la lumière soit aussi faite sur leur reconnaissance sociale et salariale.
À retenir, pour tous les artistes-techniciens :
• Conservez vos plans, échanges, et mentions dans les affiches.
• Démontrez l’intention, la proposition, l’apport personnel.
• Le droit reconnaît la création, dès lors qu’elle est démontrée.
https://www.courdecassation.fr/decision/6642fed60d8b170008581c65